Tu sais que ce n’est pas une campagne comme les autres quand tu écris deux versions de courriel en vue d’une diffusion le lendemain, et qu’elles portent les noms « version flagellé » et « version non flagellé », sur le serveur interne…

Quand chaque jeudi soir pendant des semaines, tu te surprends à implorer une force suprême au moment de t’endormir, si elle existe, pour que ça n’arrive pas de nouveau.

Quand systématiquement, chaque vendredi matin, la première chose que tu fais est d’aller voir si cet homme a été épargné.

Quand tu passes ton dimanche soir à rafraîchir la page d’accueil du microsite pendant le passage de sa femme à Tout le monde en parle, alors que le compteur de signatures grimpe de 50 toutes les minutes.

Quand tu textes une collègue et qu’elle est en train de faire la même chose, mais qu’il faut arrêter pour ne pas faire planter le site, vu l’ampleur du trafic.

Quand il faut changer Harper pour Trudeau dans les textes, avec l’espoir que cette fois, ça bougera plus vite.

Quand toute l’équipe attend les directives du client, après un communiqué de l’Arabie saoudite se disant irritée par la mobilisation québécoise.

Quand même les gars du web t’avouent avoir versé une larme en regardant cette vidéo du fils qui écrit à son père, « Ton petit Doudi », copie conforme à 10 ans.

Quand un matin, ils t’apprennent que le prochain courriel sera envoyé à 100 000 personnes, et que vous avez tous un peu chaud.

Quand à l’annonce d’un possible avancement dans le dossier, tu imagines déjà le jour où tu te rendras à l’aéroport de Montréal pour l’accueillir, avec autant de collègues que l’auto pourra contenir.

Quand pendant une rencontre de démarrage, tu souris en entendant dire « la gang à Raif », pour parler des sympathisants signataires…

Tu sais que cette campagne ne sera jamais vraiment finie, du moins tant qu’il ne sera pas libéré et rapatrié auprès de sa femme et de ses enfants qui l’attendent à Sherbrooke. Et que même si nous n’avons pas encore gagné, une chose merveilleuse s’est passée. Aujourd’hui, 82 000 Québécois connaissent un blogueur saoudien injustement emprisonné à l’autre bout du monde. Ils l’appellent même par son petit nom, comme un ami, et attendent avec impatience le jour où il rentrera à la maison pour reprendre sa vie là où il l’a laissée.

Mais cette fois, ici. Chez lui.

Le 5 mai dernier, JE SUIS RAIF remportait le prix Flèches d’or 2016 pour la meilleure campagne Médias sociaux, toutes catégories confondues. Mise en ligne en un temps record, cette campagne de mobilisation réalisée pour Amnistie internationale a couru sur plus de neuf mois.

Crédit photo : Jacques Goldstyn

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