Le 8 septembre dernier, Chloé Sainte-Marie, artiste et fondatrice de la Fondation Maison Gilles Carle, a été invitée par Atypic pour participer à un panel sur le changement social, dans le cadre de l’événement Rééquilibrer la société, co-organisé par Atypic, Henry Mintzberg et Coaching Ourselves. Voici le poème qu’elle a lu en guise d’introduction, et qui a ému l’assistance.
Sous la formulation proposée
– Rééquilibrer la société –
nous conviant à « faire en sorte que les changements sociaux se produisent »,
j’ai pensé dialoguer avec le social lui-même.
Je me dis… je me dis…
respirer le social
chanter le social
Caresser de ses mains
le corps du social en mouvance
Je me dis qu’il y a un appel tactile
qui persiste sous la peau du social
Je me dis qu’il y a
sous le sentiment du social
une marche de l’humanité
*
Moi… je suis une artiste une comédienne
une tite chanteuse pop-pulaire
C’est Wikipedia qui l’affirme
Mais il y a un oubli notoire
dans ce qu’on dit de moi
On m’a demandé un jour de me présenter
et de dire ce que je suis
Et j’ai répondu… je suis une seule chose
je suis une animale sociale en déambule
Je suis une voix en marche
à travers le fleuve du social
Et sans le marcher je pertube
Je perds mon équilibre mental
je perds tout mon social… tout mon être
*
Rééquilibrer la société ?
Si on veut rééquilibrer
c’est donc qu’il y avait en amont
un équilibre disparu sous
les terres ancestrales rompues
C’est quoi l’équilibre antérieur
qu’on veut réinventer dans le…
le là-maintenant du ré…é… qui…libre
du «ré» qui veut être libre à nouveau
Je pose la question
et tout ce que je peux répondre
c’est mon chant qui le dit
Il est où l’équilibre? Je le vois
Remonter la rivière à l’automne
pour aller au camp d’hiver
qui se trouve exactement là…
là où le gibier décidera qu’il soit
Mais il est où le gibier et le camp d’hiver…
en Floride ou en Ungava?
Et le camp d’été… il est où?
Sur les plages artificielles
installées au Centre-Ville
pour se déshabiller le social
et jouer au déséquilibre du paysage
Ou le long du fleuve qui ouvre tout grand
les bras-marées de ses rivages
C’est quoi le déséquilibre?
Avoir perdu ses rivières et les
racines mouvantes de ses rêves?
Une société qui cesse de rêver…
une société qui cesse de se rêver
est une société en instance d’évaporation
Pourquoi tous ces visages morts
en dehors des cimetières?
À tous ces vivants qui ne rêvent plus
je préfère de vrais morts qui rêvent
Des morts au chant vibrant
du Nomade négociant les rapides
et du Chamane Algonquien
au canot envoûtant du portage social
qui sans cesse se réinvente
sous la cathédrale du firmament
*
Mais je vis désormais dans un pays bungalowïsé
qui carbure à la fantaisie pré-composée
en tondant ses pelouses peignées à l’intoxiqué
Tondeuses à gazon Tondeuses à neige
Tondeuses à feuilles Tondeuses à sociétés
La négation de la nature
la négation de sa nature
Et alors je dis… que vienne enfin
la négation de la négation
Et tenant ma marche par la main
Poursuivre la piste glorieuse
de sa liberté sociale bénévole
Et la pleine autonomie
de son imaginaire retrouvé
Texte de
Jean Morisset
rédigé pour Chloé Sainte-Marie,
ce 04 septembre 2017.
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