Jeudi le 3 mai dernier, le Pôle IDÉOS d’HEC Montréal, l’Esplanade et l’organisme Revivre invitaient les acteurs de changement à un moment de réflexion et de partage autour de la santé mentale et du mieux-être. L’évènement était organisé en collaboration avec Atypic et la Maison de l’innovation sociale, et j’ai eu la chance d’y participer.

Comme un essoufflement…

Trois perspectives étaient proposées lors des ateliers participatifs animés par divers intervenants : individuel, organisationnel et sectoriel.

Car comme l’expliquait Pascal Grenier, cofondateur de l’Esplanade : « comment peut-on avoir une volonté de changement social si on n’arrive pas à se transformer soi-même, ou à transformer les façons dont on travaille dans nos organisations ou différents milieux? »

Celui qui dirige l’espace collaboratif dédié à l’entrepreneuriat et à l’innovation sociale avoue s’être inquiété dernièrement de la santé mentale des acteurs de changement qu’il côtoie au quotidien, principalement des entrepreneurs sociaux. Il ressent une fatigue chez eux, comme un essoufflement, sans doute liée à la nature des secteurs communautaire et de l’innovation sociale :

  • Un sentiment d’urgence permanent, pour répondre à des besoins criants
  • Une mission sociale plus grande que soi, qui mène souvent à de l’abnégation
  • Une surcharge de travail et des ressources restreintes, responsables du syndrome du super-héros
  • Une recherche constante de financement qui éloigne du terrain, causant stress, frustration, perte d’impact et de sens

Ramer seul

Lorsqu’on veut changer le monde, il faut du souffle. Mais il faut aussi du soutien social, facteur non-négligeable qui est ressorti de cette journée, avec les nombreuses interventions de travailleurs autonomes visiblement fatigués de ramer seul et inquiets de craquer sans avoir accès au soutien, aux bénéfices sociaux et services psychologiques des employés réguliers.

Comme pistes de solution, ces espaces collaboratifs qui permettent d’échanger, de ventiler, de s’entraider et de tisser des liens d’amitié favorables à la santé mentale. Car comme le rappelait Estelle M. Morin, professeure au  département de management de HEC Montréal, toutes les études nous le disent : « avoir au moins un ami au travail est un signe de qualité de vie, et favorise la santé mentale. »

Autre piste, lancée par l’entrepreneur en série Alexandre Taillefer, qui était venu partager son expérience : créer un régime d’assurance pour les entrepreneurs sociaux.

Les vents qu’on ne contrôle pas toujours

Ce dernier avait été invité dans la foulée de sa chronique Je ne ferai plus de marathon, où il avouait n’avoir atteint que 4 des 10 objectifs qu’il s’était fixés pour l’année, considérant les nouveaux projets qui s’étaient ajoutés et « les vents qu’on ne contrôle pas toujours », qu’ils soient des facteurs externes ou internes. Comme notre santé mentale, justement.

Il a plutôt choisi de changer de perspective. Une perspective sur 10 ans plutôt que sur une année. Car quelques fois, un projet – bonjour Téo Taxi – prend plus de temps que prévu, mais lorsqu’on regarde le tout globalement, au niveau macro, c’est plutôt une réussite.

Une autre de ses « pratiques d’autogestion de sa santé mentale », comme le diraient les intervenants de Revivre responsables d’un des ateliers, c’est cette prise de conscience du caractère cyclique de ses épisodes dépressifs. « C’est chimique. Et je sais, quand ça m’arrive, que ça ne durera pas. Que dans quelques jours, ça ira mieux. Reste que j’ai appris avec le temps qu’il est préférable pour tout le monde que je reste chez moi dans ces moments-là », a ajouté Alexandre Taillefer.

Les niveaux du bonheur

D’un point de vue sociétal, l’homme d’affaires est convaincu : nous devons investir plus en prévention et cesser de penser seulement en mode curatif. Il nous en coûtera moins cher en soins de santé, déjà. Et nous serons plus heureux, si l’on en croit les pays Scandinaves qui investissent 60 % de leur budget en éducation et en santé et qui se retrouvent en tête du nouvel indice du bonheur mondial de l’ONU.

Tous les niveaux sont donc à considérer si l’on souhaite préserver la santé mentale et physique de ceux qui nous poussent à nous améliorer comme société.

À commencer par soi, en développant des outils et pratiques personnelles pour prendre soin de nous-même et en les partageant avec les autres. Car comment peut-on aider les plus vulnérables si on n’est pas soi-même en santé? Dans son milieu de travail, « en pensant à des dispositifs pour faire mieux attention les uns les autres », comme le disait Pénélope Codello, professeure en management à HEC Montréal et animatrice d’un autre atelier. Et l’écosystème dans lequel notre organisation évolue, en prenant en compte les pressions propres à chaque acteur – entrepreneurs sociaux, associations, bailleurs de fonds – tout en gardant en tête notre objectif commun d’une meilleure santé mentale et d’un meilleur bien-être pour tous.

Ou de devenir l’endroit où les gens sont le plus heureux sur terre, c’est selon…

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