À l’ère de la responsabilisation sociale et de la multiplication des initiatives de marketing de cause, les règles d’utilisation de la marque méritent assurément une réflexion de la part des organismes à but non lucratif. Avides de visibilité et de moyens pour réaliser leur mission, certains auront malheureusement tendance à tomber dans le mauvais piège.

Win-win les partenariats corporatifs? Pas forcément…

Bien que la plupart des initiatives mises en place par les entreprises au profit des OBNL soient généralement fondées sur de bonnes intentions, force est de constater qu’un manque de compréhension persiste encore, tant de la part des organismes que des entreprises qui désirent les soutenir. Un bon encadrement, ainsi qu’une meilleure prise de conscience des droits d’utilisation et avantages offerts aux parties impliquées s’imposent, et ce, afin d’éviter de tomber dans les pièges les plus courants.

Nombreuses sont les entreprises qui prennent position et affichent publiquement leurs valeurs et actions à impact sociétal. L’image favorable de bonnes citoyennes corporatives qu’elles projettent alors auprès de leur réseau, clients, fournisseurs, employés et grand public influencera forcément la perception de la marque. Ultimement, ces prises de position, que l’on pourrait qualifier de capitalisme responsable et conscient, risquent même d’influencer leur rentabilité globale à plus ou moins long terme.

Pensons notamment à Dove qui, depuis plus d’une décennie, met de l’avant une ligne éditoriale qui va bien au-delà du marketing de produit. Les valeurs d’estime de soi et de démocratisation de la beauté font aujourd’hui partie de l’ADN même de la marque.

Pour d’autres, cette mise en lumière s’articule davantage via la mise en place d’initiatives sporadiques de marketing de cause, appuyant celles dont les valeurs s’apparentent aux leurs. Une association gagnante, en principe, mais qui peut aussi s’avérer désavantageuse lorsque les règles de l’art ne sont pas adéquatement respectées.

Combien de fois une fondation a-t-elle réalisée le déploiement d’une initiative dont elle n’avait pas été avisée auparavant? Pensons, par exemple, à la Fondation CHU Sainte-Justine qui a eu à réagir publiquement face au succès d’une campagne déployée par une tierce partie via ses médias sociaux. Cette entreprise invitait son réseau à aimer sa publication, en échange de quoi elle s’engageait à remettre des peluches aux enfants hospitalisés. Plus d’un million de « like » ont été générés, mettant à la fois la fondation et l’entreprise dans l’embarras. Non seulement cette campagne détournait-elle l’attention par rapport à l’imposante campagne de collecte de fonds grand public que la fondation tenait alors (ce qui a d’ailleurs valu de vives critiques à l’entreprise de la part de ses abonnés), mais elle mettait également la fondation dans une situation fort délicate auprès des partenaires associés à la collecte en cours.

Les demandes d’autorisation ayant dans ce cas été outrepassées, cet exemple illustre bien que de telles initiatives, bien qu’étant fondées sur de bonnes intentions, auront parfois des répercussions importantes.

En philanthropie comme ailleurs, tout partenariat exige un encadrement qui s’avère essentiel afin d’assurer le respect des droits de l’ensemble des parties impliquées. L’appât du gain détourne bien souvent l’attention. N’oublions pas que ces bons citoyens corporatifs en retirent également certains avantages, et que la philanthropie est avant tout un geste du cœur. L’organisme doit en premier lieu en être le bénéficiaire afin d’honorer sa mission, telle que lui seul la définit.

10 conseils et pistes de réflexion

  1. Afin de protéger la valeur de votre marque, n’hésitez pas à établir une politique qui en définit le cadre. Cette dernière vous permettra d’éduquer vos partenaires et d’encadrer leurs attentes tout en protégeant vos droits.
  2. Ne laissez en aucun cas une autre marque redéfinir la vôtre, ou transformer votre mission.
  3. Alors que 26 % des Québécois soutiennent des causes via l’achat de produits*, soyez prudents dans le positionnement de ce type d’offre. Je repense souvent à cette compagnie qui placardait sur l’ensemble de ses produits et outils promotionnels la remise de 20 % de ses profits à une cause. Or, aucune somme n’a jamais été versée, la compagnie stipulant n’avoir réalisé aucun profit, et l’organisme n’a eu aucun recours tangible face à cette dernière. Cette approche manque clairement de transparence, particulièrement auprès des consommateurs qui auront fait le choix de soutenir ainsi la cause.
    Ainsi, évitez la notion de profit remis et privilégiez les montants fixes (ex. : 2 $ par achat).
  4. Des données seront-elles acquises pendant l’initiative? Définissez-en bien le cadre de propriété.
  5. L’initiative risque de générer un fort rayonnement? Prenez en considération votre calendrier annuel afin de vous assurer que ce rayonnement sera occasionné au moment opportun.
  6. L’offre du partenaire répond-il à un besoin réel ou génère-t-il plutôt une dépense en termes de temps-ressource pour votre organisme?
  7. Les demandes et attentes du partenaire sont-elles réalistes?
  8. L’initiative risque-t-elle de nuire à vos autres partenariats?
  9. Le partenaire est-il sincère ou cherche-t-il à retirer des avantages qui iront au-delà du soutien apporté en contrepartie?
  10. Enfin, évitez de vous mettre en défaut par rapport à la loi C-28. Nombreux sont les partenaires qui vous demanderont de communiquer leur offre commerciale auprès de vos donateurs. Non seulement cela n’est pas votre rôle, mais vous pourriez vous mettre à risque vis-à-vis la loi anti-pourriel.

*(référence : ÉPISODE – ÉTUDE SUR LES TENDANCES EN PHILANTHROPIE AU QUÉBEC EN 2020)

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