Après plus d’un mois passé en quarantaine, Atypic souhaite partager des nouvelles de ses causes. Question de voir comment les uns s’adaptent, ou encore, comment les autres trouvent des nouveaux moyens de mobiliser leur communauté. Merci à tous ceux qui ont accepté de répondre à nos questions pour la rédaction de ces articles!

Deuxième partie de l’entrevue avec Marco Décelles, directeur général de la Fondation québécoise du cancer.

Pas encore lu la partie 1? C’est par ici!

Atypic : J’ai vu sur vos réseaux sociaux que vous aviez offert un cours de yoga en ligne. Est-ce qu’il y a d’autres services comme celui-là que vous envisagez adapter en ligne?

Marco Décelles : On a fait un atelier d’art-thérapie pour notre groupe de jeunes atteints d’un cancer, je pense qu’ils étaient 6 ou 7, par visioconférence. Et ç’a été super apprécié! On va faire un atelier-conférence d’art-thérapie avec le Fonds CROIRE, soit toute la clientèle de Maisonneuve-Rosemont. Ce sont de belles initiatives, mais malheureusement, je ne suis pas en déploiement de programme, ce sont plus des activités ponctuelles développées dans le contexte actuel. Et oui, il y a des beaux moments. Et bien entendu, ce qu’on fait aussi, c’est qu’on relaie tout ce que les partenaires offrent comme services de façon virtuelle. On le rend disponible à travers notre grand réseau. Donc au final, on a nos propres initiatives, et on relaie celles des autres. On a aussi des activités de yoga en ligne avec notre partenaire à Boucherville, Bodhi Yoga. Ça va super bien!

A : On en a parlé un peu plus tôt, mais bien entendu, comme beaucoup d’organismes, vous avez dû reporter certains événements de collecte de fonds. Où en êtes-vous dans votre réflexion et est-ce que vous entrevoyez des façons nouvelles de remplacer ces événements, encore une fois, via la technologie? Je pense entre autres au Grand défoulement*, qui était déjà supporté par une super plateforme facilitante pour les participants. Est-ce que vous allez encourager les gens à faire le Grand défoulement chacun chez soi?

*Le Grand défoulement est une campagne parapluie de la Fondation québécoise du cancer qui regroupe différents volets de collecte de fonds de type tierce partie (divers événements organisés par les sympathisants à la cause). On y trouve les événements Dans les écoles (souvent des courses ou des marches colorées), un volet À ma façon (des activités originales et variées organisées par des individus ou équipes), et un volet Marches du Grand défoulement.

MD : Là il y a eu la décision du gouvernement, la semaine passée, d’annuler tous les événements sportifs et culturels prévus d’ici le 31 août. Ça nous a un peu shakés, comme on dit… Parce que là, on commence à se rapprocher de notre propre période achalandée pour ce qui est de nos événements.

A : Les marches aussi?

MD : C’est ça. Les premières marches du Grand défoulement débutent le 12 septembre, donc on est sur la limite. Alors on prend déjà en considération qu’on va limiter nos événements à moins de 250 personnes. Parce que s’il y a des événements, je ne pense pas que ce sera 2 000 personnes. On va nous-mêmes mettre nos critères, et on va ajouter une 9e marche du Grand défoulement qui va être la marche virtuelle. On se donne la semaine pour élaborer tout ça, j’ai mis des ressources là-dessus ce matin.

A : C’est quoi une marche virtuelle? (Rires)

MD : Ce qu’on va faire, c’est qu’on va permettre à tout le monde qui ne pourra pas marcher lors d’une de nos 8 marches de s’inscrire à cette marche-là et de le faire la journée qu’ils le veulent, à l’heure qu’ils le veulent et où ils le veulent.

A : En solo?

MD : En solo, ou avec son conjoint.

A : Est-ce que ce sera un nombre de kilomètres défini?

MD : Non. Je pense qu’on va laisser ça assez ouvert, parce que des parcours ces temps-ci, ce n’est pas nécessairement facile. On va plutôt inviter les gens à nous dire qu’est-ce qu’ils ont fait. Par exemple, moi, je suis allé faire le tour de mon quartier…

A : En ayant une pensée, une conscience, pour les personnes qui font face au cancer…

MD : Exact. Ou je vais tenter, d’ici le mois d’octobre, d’aller marcher une ou deux fois par semaine. Et on va trouver une façon de faire vivre ça pour chacune des équipes, pour qu’elles nous racontent un peu à chaque semaine ce qu’elles ont fait, pour garder l’intérêt.

A : Un peu comme une forme de défi qu’on se donne?

MD : Ouais. Et inviter les gens à nous raconter ça sur la plateforme. Et relayer les belles histoires de la semaine. Et bien entendu, inviter les gens à se faire commanditer par leur entourage à travers tout ça.

A : Et pour tout le reste, j’imagine que le Grand défoulement dans les écoles, ça n’aura pas lieu?

MD : Ben ça, c’est fini jusqu’à l’automne. Même le Grand défoulement à ma façon, jusqu’au 31 août, cela sera très difficile.

A : Ou il faut être très créatif.

MD : Ou il faut être très créatif. Mais nous, nos événements, c’était toujours pas mal des gens qui se réunissaient. Par exemple, on avait un événement prévu la semaine prochaine, une soirée whiskys. T’as beau être créatif, tu ne peux pas faire une dégustation de whiskys chacun chez soi dans son salon.

A : Donc ça va revenir encore à des événements virtuels de type yoga-thon?

MD : Oui. En même temps, c’est correct de tenir l’événement, mais est-ce que la collecte de dons va suivre?

A : Ouais, c’est aussi vrai qu’il y a beaucoup de contenus gratuits en ce moment…

MD : Les événements que j’ai vus à date n’ont pas l’air d’avoir eu un immense succès du point de vue de la collecte de fonds. Oui, je pense qu’il va falloir faire les choses de façon virtuelle, mais on ne pourra pas reporter tout ce qui a été annulé ce printemps à cet automne, c’est impossible. Donc c’est clair qu’il y aura une baisse de revenus assez inévitable. Puis bon, je pense qu’on ne sera pas différents des autres. Il faut tenter de tirer le meilleur parti de la situation. Et ça va venir aussi avec une baisse de services, c’est inévitable. Présentement par exemple, on n’en offre pas de la massothérapie. Et pourtant c’est un gros volet de la Fondation. Et même quand ce sera permis de reprendre, c’est peut-être là qu’on va dire qu’on ne reprend pas à 100 %, pour passer à travers l’année difficile de collecte de fonds. Et quand la collecte de fonds va reprendre, je reprendrai. Donc on va avoir nous-mêmes des choix à faire, à savoir qu’est-ce qu’on va redéployer en premier. Là présentement, on garde le fort. C’est nos services essentiels : l’Hôtellerie et les Services Info-cancer. Et quand ça va reprendre, on va certainement prioriser. Certainement, il y en a que ça sera plus facile. L’art-thérapie, c’est plus facile d’être à deux mètres. La kinésiologie aussi. La massothérapie, c’est pas possible.

A : Ou avec les masques… Tu disais tantôt que tu magasinais des masques? Est-ce que c’est parce que tout le monde doit en porter? Et êtes-vous capables d’en avoir pour chaque personne?

MD : C’est que région par région, les éclosions ne sont pas similaires. À Sherbrooke maintenant, l’hôpital nous recommande d’en porter, autant pour nous que nos résidents. On a une belle collaboration et le CIUSSS va nous en fournir finalement.

A : Il faut aller dealer avec Trump directement sur le tarmac? (Rires)

MD : Ouais, c’est ça! (Rires) Moi je leur ai dit que si le gouvernement n’a pas la capacité d’en avoir, nous à la Fondation, on n’a pas cette capacité-là non plus. Donc là on y va Centre par Centre. À Trois-Rivières, l’hôpital ne le recommande pas à son personnel, donc on est corrects de ne pas le porter. Chaque centre hospitalier a sa propre réalité en fonction du nombre de cas qu’il y a dans la région et dans l’hôpital.

A : Ok. En terminant, j’aurais une dernière question pour toi. Je connais la réponse, mais pour le bénéfice de nos lecteurs, je voudrais t’entendre. Êtes-vous témoins de gestes de solidarité plus qu’à l’habitude? Sentez-vous que la crise fait ressortir le meilleur des gens, d’une certaine façon, même si beaucoup vivent une situation financière difficile?

MD : Ben oui… Je termine toujours notre cellule de crise par un beau geste, une belle parole. C’est quoi la belle nouvelle.

A : Un peu comme Radio-Canada le font au Téléjournal? 

MD : Oui c’est ça! Et honnêtement, au début, ça a pris un certain temps avant de s’installer. Mais maintenant, il y a des journées où on a 7-8 belles nouvelles. Je te donne un exemple. Nous à Montréal, comme tu le sais, on a un système de transport des résidents vers leur lieu de traitements. Et on est presque tout le temps à la recherche de bénévoles pour ce genre de tâches. Et là, on avait un trou dans notre horaire de transport. Donc on a fait une annonce sur Jebénévole.ca. En une fin de semaine, on a eu 40 réponses! Alors que l’an dernier, on cherchait, on avait fait des annonces… Ça fait un an qu’on cherche des bénévoles et on en trouve pas. Et là en un week-end, on a eu 40 personnes! Et on en a déjà 3 qui ont débuté la semaine passée.

A : Wow!

MD : On voit beaucoup plus de beaux gestes spontanés. Je pense que les gens veulent se rendre utiles et aider. On a aussi des employés, plutôt que d’aller sur le programme canadien d’urgence, ils nous demandent de réduire leurs heures au maximum. Ils préfèrent travailler moins que de rester à ne rien faire, et d’aller sur le programme sans être obligé de travailler. Ou d’autres qui sont sur le programme d’urgence, parce qu’il n’y avait pas d’autre option, mais qui regardent leurs courriels et donnent quelques heures à gauche et à droite. Tant qu’à rien faire, ils tentent de garder un peu le sens de ce qu’ils font habituellement à tous les jours.

A : Ça termine sur une belle note!

MD : Il faut!

A : Merci beaucoup Marco. Et bonne chance pour la suite!

Pour en savoir plus sur la Fondation québécoise du cancer, c’est par ici, ou pour l’appuyer par un don, c’est ici. Et pour suivre leur communauté qui s’active sur les réseaux sociaux, commencez ici!

Article rédigé par Arianne Cardinal

 

Vous avez aimé cette nouvelle? Partagez-la!