Sur fond de crise sanitaire sans précédent, Atypic souhaite partager des nouvelles de ses causes question de voir comment les uns s’adaptent, ou encore, comment les autres trouvent de nouveaux moyens de mobiliser leur communauté. Merci à tous ceux qui ont accepté de répondre à nos questions pour la rédaction de ces articles!

Entrevue avec Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA de Montréal.

Atypic : Bonjour Élise, comment ça va pour toi depuis le début de la crise sanitaire et du confinement?

Élise Desaulniers : J’ai la chance d’habiter dans un grand logement avec des chats adorables, alors ça va très bien pour moi! Comme tout le monde, je suis tannée, mais je suis installée confortablement et je trouve que ce n’est pas si désagréable de travailler de la maison. Je ne le ferais pas tout le temps, n’empêche que c’est bien de pouvoir faire un lavage entre deux appels même si les journées sont interminables (rires)! N’empêche que la situation est loin d’être aussi confortable pour mes collègues qui sont eux, au refuge et qui doivent prendre le métro, se déplacer pour venir en aide à des animaux, recevoir des clients. Je sais bien que c’est mieux que je reste à la maison, mais y’a quelque chose d’un peu injuste dans là-dedans qui me fait sentir un peu coupable.

A : J’ai lu toutes sortes de choses quant au risque pour les animaux de contracter le virus. Est-ce que leur santé est vraiment en jeu? Et qu’en est-il de la transmission entre humains et animaux?

ÉD : Comme c’est un nouveau virus qui n’existait pas il y a six mois, on a encore très, très peu de données à ce sujet. Ce qu’on sait à l’heure actuelle, c’est que le virus est possiblement transmissible entre l’humain et les animaux. Il y a des tigres et des chats domestiques qui ont été testés positifs. Mais est-ce que la maladie reste exactement la même chez les animaux? Ça ne semble pas être le cas. On ne pense pas qu’elle puisse être aussi dangereuse que chez les humains. Et pour le moment, on ne croit pas qu’il y ait un risque de transmission directe entre les humains et les animaux. Si mon chat a la Covid, il ne pourrait pas me la transmettre. En revanche, si mon chat va dans la ruelle et que quelqu’un qui a le virus le touche, il est possible que par la suite, en retouchant à mon chat, je puisse l’attraper.

A : Comment la crise a-t-elle affecté concrètement le travail de l’équipe?

ÉD : Les services d’adoption et de familles d’accueil restent ouverts, mais au ralenti et sur rendez-vous, en respectant les règles de distanciation. Mais au même titre que les services essentiels pour les humains sont préservés, la SPCA de Montréal continue de répondre aux urgences et d’accepter les animaux gravement blessés, malades ou victimes de cruauté. C’est tout un casse-tête de trouver un équilibre entre la sécurité de nos employés et du public, en même temps que celle de nos animaux. On essaie de limiter le nombre d’employés dans la clinique où ce n’est pas toujours possible de garder nos distances. Par exemple, si on doit installer un cathéter, il faut bien être deux! Donc, pour protéger tout le monde, on a dû revoir l’ensemble de nos services. Pendant deux mois, les seules chirurgies pratiquées par nos vétérinaires ont été celles d’urgence, lorsque la vie d’un animal est en danger. On a donc dû, à contrecœur, suspendre nos services de stérilisation ciblée et le programme de stérilisation de chats communautaires. Après s’être battus pendant des années pour que la stérilisation des chats, des chiens et des lapins devienne obligatoire à Montréal, ç’a été difficile pour nous de voir nos tables de chirurgies rester vides. Mais il faut comprendre que la situation actuelle est exceptionnelle. Heureusement, on reprend lentement les stérilisations depuis quelques jours. Mais il faut comprendre que la priorité, c’est de combattre la Covid-19. Et on ne peut y arriver sans y mettre absolument tous les efforts, toutes les ressources possibles, ce qui implique de mettre toutes nos autres priorités en attente. Aussi, comme il est important que les animaux restent le moins longtemps possible au refuge, on a eu recours à des adoptants et à des familles d’accueil temporaires pour réduire leur nombre dans le refuge.

A : Ça n’a pas dû être simple ça, de réduire la population du refuge. Combien de temps ça vous a pris?

Ça a été super rapide, en fait! Parce que même si on ne savait pas trop où on s’en allait et combien de temps tout ça allait durer, on savait que le plus d’animaux possible devaient sortir du refuge. Et on a vraiment eu de la chance, car il y a eu beaucoup, beaucoup de demandes d’adoption. Les demandes sont venues spontanément du public. Je pense que plusieurs personnes se retrouvant à la maison se sont trouvées dans une situation parfaite pour adopter un animal. Certains se sont demandé ce qu’ils pouvaient faire pour lutter contre la Covid en restant chez eux. Accueillir un animal à la maison, c’est faire quelque chose de positif. Quand tu es chez toi et que tu as des enfants à occuper, c’est le bon moment pour accueillir un animal! En fait, on avait tellement de demandes que l’enjeu était d’y répondre rapidement. 

A : Est-ce qu’à ce moment-là, les adoptions se faisaient déjà sur rendez-vous?

ÉD : Les premiers jours, avant que les commerces ferment, ça se faisait comme d’habitude. Mais quand on a vu qu’il y avait trop de monde, il a fallu demander aux gens d’attendre dehors. Quand les commerces ont commencé à fermer, on a commencé les adoptions sur rendez-vous. Ça simplifie un peu la vie de tout le monde en termes de distanciation sociale, mais évidemment, ça ralentit le nombre d’animaux qui peuvent partir dans une journée. Maintenant, on réussit à garder un bel équilibre. 

A : Les adoptions sur rendez-vous, comment ça se passe concrètement? Habituellement, vous vous efforcez de faire un bon match entre une famille et un animal qui pourrait, par exemple, avoir un tempérament particulier. Est-ce que c’est quand même possible d’y arriver de cette façon-là?

ÉD : Oui et ça fonctionne très bien! Par exemple, tu vois le chat Moustache en adoption sur notre site web; tu remplis le formulaire d’adoption et si ton profil correspond à celui dont Moustache a besoin, on te contacte et toute la paperasse se fait ensuite à distance. Après, tu te présentes au refuge et on te laisse repartir avec Moustache! Le formulaire d’adoption est vraiment complet. Une fois rempli, il nous permet de savoir s’il y a des enfants à la maison, ou si cette famille a de l’expérience avec les animaux. Il est possible de voir quel genre d’animal irait bien avec ces personnes, et ça facilite la présélection. Ensuite, l’entrevue téléphonique nous permet de nous assurer que l’animal trouve la bonne famille pour lui.

A : J’ai vu qu’on parle d’environ 270 animaux qui sont présentement en famille d’accueil et qui sont suivis en télémédecine. Ça fait beaucoup, non?

ÉD : Oui, c’est sûr que c’est plus que d’habitude, environ le double je crois. Mais la télémédecine, ç’a été une belle surprise pour nous! On était habitués à notre clinique sans rendez-vous pour nos familles d’accueil. Tous les après-midis, on recevait du monde et les gens devaient attendre. Mais en ce moment, on réalise que pour la majorité des cas, la télémédecine, ça fonctionne super bien! C’est sûr qu’il y a certains examens qui nécessitent d’être là en personne, mais pour la plupart des cas, notre vétérinaire à distance est capable de faire les vérifications de base et de donner facilement les consignes nécessaires pour soigner l’animal. C’est sans doute quelque chose qu’on va vouloir garder par la suite, parce que c’est bien plus efficace et ça évite de se déplacer au refuge. Je ne connais pas beaucoup d’animaux qui aiment venir se faire examiner au refuge…! Ça marche aussi dans les cliniques privées. Par exemple, un ami était un peu inquiet pour la griffe de sa chatte, alors il a envoyé un courriel avec une photo de la patte et sa vétérinaire lui a répondu qu’il pouvait couper la griffe sans problème. Et tout s’est bien passé! Autrement, il serait allé chez le vétérinaire pour quelque chose de bénin, ça aurait été inutilement stressant pour la chatte.

A : Est-ce quelque chose que vous faisiez déjà, avant la crise?

ÉD : Non, c’est tout nouveau! Et en plus, ça nous permet de voir tout ce qu’on pourrait mettre en place en misant davantage sur les services par téléphone. Prends par exemple une personne qui ne saurait plus quoi faire d’un animal dont le comportement est problématique; disons un chat qui urine à côté de sa litière. Eh bien on peut très bien aider cette personne, au téléphone, à trouver une solution pour qu’elle n’en vienne pas à abandonner son animal. Il suffit parfois de déplacer la litière à un autre endroit! Quand on a les gens au téléphone, c’est l’idéal. Il y a aussi des gens qui n’ont plus les moyens de payer la nourriture de leur animal. Dans ce genre de cas, on peut avoir recours à nos partenaires pour leur procurer de la nourriture. C’est vraiment bien de pouvoir prendre le temps de parler avec les familles et de les guider vers les bonnes ressources pour qu’elles puissent garder leur animal!

A : Cette crise vous force réellement à réfléchir à d’autres façons de faire…

ÉD : Ça fait super longtemps que notre vétérinaire en chef, Dre Gabrielle Carrière, me parle de faire un genre de shelter reset, de revoir tous nos processus, et je lui disais : « Es-tu folle! On n’a pas le temps de faire ça! » (Rires) Bien là, on est un peu forcés de le faire et il y a quelque chose de super positif là-dedans! 

A : J’ai vu que vous pensiez aussi à faire de l’évaluation en comportement par Zoom?

ÉD : On commence tranquillement à le faire. C’est compliqué à mettre en place mais il y a tellement de demandes qu’on est en train de développer un modèle pour offrir des services de consultation en comportement. Mais c’est encore embryonnaire.  

Pour lire la deuxième partie de l’entrevue, c’est par ici!

Fondée à Montréal en 1869, la SPCA de Montréal fut la première organisation vouée au bien-être animal au Canada. Sa mission consiste à protéger les animaux contre la négligence, les abus et l’exploitation, à représenter leurs intérêts et assurer leur bien-être, à favoriser la conscientisation du public et contribuer à éveiller la compassion pour tout être sensible. Elle est maintenant le plus grand organisme de protection des animaux au Québec.

Pour en savoir plus sur leurs activités, faites un tour de ce côté, et pour les appuyer en cette période cruciale pour tous, y compris pour les animaux, c’est juste ici.

Article rédigé par Marie-Hélène Mayrand

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